Les Ursulines de Valenciennes

En faisant des recherches généalogiques sur mes aïeux du Nord, j’ai découvert deux personnalités : Anne Josèphe Leroux et sa sœur  Marie Marguerite. Cette dernière naquit à Cambrai le 14 juillet 1749 et se tourna très tôt vers Dieu et rejoignit le couvent des Ursulines de Valenciennes avant ses quinze ans. Dite Mère Marie-Scholastique de Saint-Jacques, elle était, d’après l’abbé Loridan, grandement douée dans l’enseignement et « excellait particulièrement à enseigner l’écriture et les travaux d’aiguille. » Il faut savoir que les Ursulines, dont le couvent de Valenciennes fut fondé en 1654, étaient principalement destinées à l’éducation des jeunes filles et toutes les sœurs avaient donc vocation à enseigner. Elle y professait, mais ne devint sœur que le 5 août 1770. Elle y poursuivit une vie paisible.

Les Ursulines au moment de leur martyr

Mais en cette fin de XVIIIe siècle survint la révolution française qui changea outre le régime, la vie des religieux y compris de nos Ursulines. Ainsi le décret du 13 février 1790 abolit les ordres et congrégations. Cependant, les ordres enseignants étaient dispensés de fermeture et les Ursulines purent poursuivre, un temps, leur travail sans avoir cependant le droit de recruter en vertu de la loi du 28 octobre 1789. Sous la tutelle de l’État, les Ursulines de Valenciennes durent rendre compte de leurs dépenses et de leurs rentrées et l’on apprit que le couvent était alors déficitaire ; l’État refusant de combler le déficit, les sœurs vendirent une parcelle de terre et gérèrent leur argent avec plus de fermeté malgré le nouvel impôt sur les revenu (25%) et sur l’argenterie (2.5% de sa valeur). Mais cet impôt augmenta et les Ursulines durent, au lieu des 400 livres dues, payer 2000 livres car le revenu n’était pas calculé comme aujourd’hui mais était estimé par rapport à la taille de la propriété. La persécution des religieux durant la révolution commença donc par l’imposition lourde, première étape de la mort des couvents.

Il fut ensuite décidé de confisquer les biens des religieux en leur permettant dès lors de quitter les lieux si les sœurs le souhaitaient. A l’unanimité, Mère Marie-Scholastique comprise, elles décidèrent de « vouloir vivre et mourir » dans le couvent. Pour ajouter à leur misère, après avoir calculé la valeur mobilière du couvent et avoir vérifié que les caisses en étaient bien vides, il fut décidé par le Directoire de compliquer les démarches pour percevoir les pensions de sorte que les Ursulines n’eurent presque plus rien pour survivre dans leur condition. Nous ne continuerons pas à énumérer les aventures des Ursulines qui eurent bien du mal à obtenir pensions et visites ; nous renvoyons le lecteur vers les écrits de l’abbé Loridan pour plus de précisions.


Passons directement à l’expulsion. En 1792, la guerre contre l’Autriche éclata et eut pour conséquence la défaite sévère de l’armée française aux abords de Valenciennes. Accusés de tous les mots, l’on ordonna le 2 mai 1792 l’expulsion de tous les religieux de Valenciennes. Le 9 mai, l’on confisquait l’argenterie des Ursulines, les 18 et 22 août des décrets interdirent d’enseigner puis les religieuses devaient quitter la ville de Valenciennes. Nous ne parlions pas de l’armée autrichienne pour rien car depuis juillet, les éclaireurs abordèrent déjà Saint-Saulve et le 13 septembre, l’armée ennemie était sous les remparts ce qui fit déclarer l’état de siège à la ville. Après avoir obtenu les passeports nécessaires, les religieuses partirent et rejoignirent le couvent des Ursulines de Mons dans l’actuelle Belgique alors territoire autrichien. Les troupes françaises prirent la ville en battant l’armée autrichienne mais la victoire fut de courte durée car dès le 27 mars 1793, l’armée d’Autriche reprit la ville puis Valenciennes. Ce fut la joie dans les rangs des Ursulines qui espérèrent alors pouvoir retourner dans leur ancien couvent.

C’est à ce moment-là qu’entre en scène Anne Josèphe Leroux. Religieuse Urbaniste, elle passa la frontière, événement qui précipita sa perte, dans l’espoir de rejoindre le couvent des Ursulines de Valenciennes où elle ne put être acceptée puis partie finalement chez sa sœur à Mons. Elle avait dû quitter son couvent pour rejoindre sa famille à Cambrai et en profita pour partir à Mons voir sa sœur un court temps, c’est là sa seule erreur : avoir passé la frontière. C’est ce qui la conduisit à la guillotine.

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Le monastère des Ursulines de Mons

Fin 1793, les Ursulines rentrèrent chez elles. Mais le répit fut de courte durée. En 1794, les français reprirent la ville et s’attaquèrent aux religieuses de Valenciennes. Pendant la nuit du Ier au 2 mai des soldats s’emparèrent des deux sœurs. Voici ce qu’en dit l’abbé Loridan : « L’ancienne Urbaniste [Anne Josèphe] se distinguait par une grande tranquillité d’âme, qu’elle ne perdit même pas dans ces douloureuses circonstances. Elle dit aux soldats qu’il ne fallait pas tant de monde pour s’emparer d’une pauvre fille, leur fit donner à boire, et comme la marche était difficile à cause de l’obscurité et de l’état des rues, à peine réparées depuis le siège, elle prit le bras de l’un de ces fusiliers pour se rendre en prison. »

C’est ainsi que débuta le procès des Ursulines que nous ne relaterons pas dans les détails. De nombreux ouvrages et articles ont déjà été consacrés à ce passage de leur histoire. Notons, que les premières condamnées furent reconnues coupables du crime d’émigration (alors que leurs passeports étaient en règle) et d’avoir exercé des fonctions interdites. Mère Scholastique écrivit à propos de ces premières exécutions qui eurent lieu le entre le 13 et le 17 octobre à propos des exécutées : « Elles ne marchèrent pas, mais elles volèrent au lieu du supplice. »

Voici un extrait d’une lettre écrite par cette cousine germaine, Mère Marie-Scholastique :

« Ma chère amie,

Ne vous affligez pas sur notre sort, nous éprouvons une satisfaction que la plume ne peut exprimer ; je ne l’eus jamais cru : le Seigneur étant, comme vous le savez, infiniment bon et miséricordieux, veut bien nous faire éprouver les effets d’un détachement de tout.

Nous serions bien fâchées d’échapper à la gloire du martyre : il nous est assuré et nous ne tarderons pas à le recevoir ; nous y comptons sous très peu de temps. »

Le procès des sœurs Leroux et notamment de Mère Joséphine (Anne Josèphe) se tint donc. Toutes furent condamnées pour crime d’émigration et de pratique de fonctions interdites y compris Mère Joséphine qui ne séjourna que peu de temps à Mons, le temps d’une visite auprès de sa sœur. Elles furent guillotinées le 23 octobre 1794 et furent béatifiées en 1920 par le Pape Benoît XV.

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Le dernier moment des Ursulines: « Courage mes sœurs, nous allons au Ciel » dit l’une d’elles

Source principale: Abbé Loridan, Les Ursuline de Valenciennes. Avant et pendant la Terreur., Desclée, de Brouwer & Cie, 1901. (Disponible gratuitement sur Archives.org)