Trouver ses ancêtres à Nice et dans l’arrière-pays

La Fédération Française de Généalogie a proposé, sur les réseaux sociaux, que nous retrouvions notre sosa 2020 pour fêter la nouvelle année. Je vous l’avoue, chers lecteurs, je ne le connaissais pas. Je savais qu’il était à Nice ou à côté, mais j’étais bloqué. En débloquant cette branche, en trouvant ce sosa qui m’échappait, je me suis dit qu’il faudrait davantage expliquer comment chercher ses ancêtres dans cette région assez complexe plutôt que de simplement parler de cet aïeul sur qui j’en sais si peu !
Pourquoi la région de Nice est-elle complexe ? Le comté de Nice, rattaché à la France en 1860, n’a ses actes d’état-civil qu’à partir de 1861. Donc pas de tables décennales avant, non plus.
De 1814 à 1860 on parle de période piémontaise, avec des actes de baptêmes, mariages et sépultures en italien et en latin.
De 1793/1795 à 1813/1814 on a la période française, avec des actes en français approximatif.
Avant 1793 c’est essentiellement de l’italien, du latin, parfois un peu de français et même du provençal.
Déjà, vous pouvez constater que niveau langues et diversités de formats, il y a de quoi faire. Mais ça, c’est le plus simple !
Prenons un exemple, vous avez l’acte de mariage d’aïeux niçois du XVIIIe comme celui-ci :

Acte de mariage entre Jean Carlin et Marie Constance Dentale en 1767 à Nice Ste Réparate
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Le 01/03/1767 se marient donc « Jean CARLIN fils d’André et Marie Constance DENTALE fille d’Honoré ». Ils sont tous deux de cette ville et paroisse. Mais on n’a que le prénom des pères des époux, rien sur les mères.
Les témoins, eux, sont souvent inutiles puisqu’au moins l’un des deux est un témoin sans aucun lien de parenté avec les époux et que même quand c’est le cas, le lien n’est jamais indiqué.
Si vous avez un acte de baptême, c’est pas facile non plus ! Comme ici :

Acte de baptême de Jean Carlin en 1742 à Nice Ste Réparate
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Où on apprend que Jean CARLIN est fils d’André CARLIN et de Laure. Car la mère n’a pas de nom ! Du moins, en tant qu’épouse, elle porte le nom du mari et ne porte plus son nom de jeune fille qui n’est plus jamais indiqué. Il arrive que le nom de la mère apparaisse, mais cela reste peu fréquent.
Quant aux actes d’inhumation, ils font une ligne avant la révolution :
Acte d’inhumation d’Ursule Giausserand en 1768 à Nice Ste Réparate
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Et encore, là le nom de naissance l’épouse apparaît, fait assez rare !
Du coup, comment fait-on pour remonter dans le temps sachant qu’on n’a jamais le lien complet entre les parents d’un marié ou entre le père et la mère d’un enfant baptisé.
On est obligé de prendre un acte de baptême au hasard ?
Non car il y a un autre moyen.
Au-dessus, nous parlions de Jean CARLIN fils d’André. Il s’est marié en 1767. On peut supposer qu’il est né bien avant 1755. Il faudrait donc trouver tous les Jean CARLIN fils d’André né entre 1710 et 1755.
Et là je vous vois crier : « Non mais je ne vais pas relever tous les baptêmes de Nice pour trouver mon ancêtre !!!!!!!!!!!! » (à deux points d’exclamation près, ça devrait bien rendre compte du cri)
C’est là que les associations généalogiques entrent en jeu et, pour Nice, l’Association Généalogique des Alpes-Maritimes (AGAM). L’AGAM a dépouillé quasiment tous les baptêmes niçois.
C’est grâce à ce travail associatif que nous allons pouvoir progresser dans notre généalogie. Pour y avoir accès, il y a plusieurs moyens. Tout d’abord, l’accès premium à Geneanet permet d’avoir accès à ces relevés.
Ensuite, ce que j’utilise surtout, c’est Geneabank. Si vous êtes adhérant d’une association participante, alors vous avez un certain nombre de points sur Geneabank et, l’AGAM en faisant partie, vous pouvez avoir accès aux informations. Tant qu’à faire, je conseille d’adhérer aussi à l’AGAM !
Prenons l’étude de cas pour trouver notre sosa 2020. Je connaissais mon sosa 252 (génération 8), Jean François Giraut. Je le savais fils de Charles par le mariage de Jean François en 1784, mais je pensais être bloqué…
Car j’avais trouvé son acte d’inhumation en date du 14/12/1820 à Nice (paroisse St-Pierre-d’Arène) où il est dit fils… d’Antoine et de feue Antoinette NEGRE. Je savais que c’était le bon acte car il est bien précisé qu’il est marié à Angélique PAUL, mon sosa 253.
Mais en fait, les informations sur les parents sont fausses. Au départ, j’ai cru que le père s’appelait « Charles Antoine » et j’ai pris les informations sur la mère… Sauf que ce couple n’existe pas, n’apparaît nulle part. Etant donné que Jean François GIRAUT est mort à 60 ans, que ses parents devaient être décédés depuis un moment, il est tout à fait envisageable qu’il y ait une erreur commise par les déclarants. Déjà le prénom du père, devenu Antoine, est probablement moins pertinent sur cet acte de décès que sur l’acte de mariage de Jean François alors que son père était en vie et probablement présent.
Etant donné que le prénom du fils au décès est François (et non Jean François) et cet imbroglio, je me suis retrouvé bloqué.
Puis, avec la proposition de la FFG de trouver notre sosa 2020, j’ai décidé de reprendre mon enquête. Malheureusement, on se retrouve à une période où l’AGAM n’a pas fait de dépouillement. Pour accélérer un peu l’article, je fais faire bref sur ce point : Jean François s’est marié en 1784. J’ai donc supposé qu’il était né avant 1770 et probablement après 1750. Heureusement, pour cette période, chaque registre de baptême a une table avec les enfants baptisés par ordre « alphabétique ». Je vais à la lettre G puis ils sont dans l’ordre d’apparition dans le registre avec le folio. J’ai relevé tous les Giraut/Giraudo/Giraudi, etc. et ai fini par trouver UN Jean François Giraudi fils de Charles, baptisé en 1760. Sa mère se prénomme Antoinette ce qui fait le lien avec ce fameux acte de décès douteux. Je trouve d’autres enfants à ce couple (au total : 6). Le premier, Jean Joseph, est né en 1756 ce qui me permet d’estimer un mariage.
Pour être sûr de moi, je cherche sur Geneabank tous les mariages de personnes nommées « Charles Girau* ». L’astérisque, sur Geneabank, permet de remplacer un lot de lettres. Ainsi Girau* permet de chercher Giraut, Giraud, Giraudo, Giraudi, etc.
Dans le doute, je cherche tous les mariages avec ces noms à Nice, je précise dans le champ libre « réparate » pour la paroisse (on se souvient que Jean François en est originaire d’après son acte de mariage) et pour la période, je mets entre 1740 et 1770 :
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On obtient deux résultats : un Charles GIRAUDI marié en 1750 à Antoinette BONFIGLIO et un Charles GIRAUT marié en 1757 à Antoinette VEGLIO.
Il faut vérifier la première union, savoir si ce n’est pas notre couple d’ancêtres afin, par élimination, de s’assurer que notre Jean François est bien celui baptisé en 1760 et fils d’Antoinette VEGLIO. Comme je suis curieux, je regarde d’abord le mariage avec Antoinette VEGLIO et là, on lit : « Charles GIRAUT fils de feu André, veuf d’Antoinette BONFIGLIA ». Il s’agit du même Charles dans les deux mariages et on peut donc, sans sourciller, dire que notre Jean François GIRAUT est bien celui né en 1760 et fils de Charles et Antoinette VEGLIO.
C’est cette étape qui m’a permis de débloquer la branche et de remonter. Désormais, nous allons nous servir exclusivement de Geneabank car, par la suite, les relevés de baptêmes et de mariages sont complets sur ce qui nous intéresse.
Sur l’acte de mariage d’Antoinette VEGLIO, on lit qu’elle est « fille de feu Jean Honoré et veuve de Jean Baptiste LAMBERT ». On trouve rapidement ce premier mariage le 20/04/1749 à Nice Sainte-Réparate, sans plus d’information sur l’ascendance.
Antoinette VEGLIO est donc née avant 1740, probablement après 1715 (on vise large !) et est fille de Jean Honoré. Ses actes de mariages la disent originaires de Nice Sainte-Réparate :
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On ne trouve qu’un résultat ! C’est ce qu’il faut. Si on trouve deux résultats, le doute s’installe car une autre hypothèse devient crédible. Quand on a un seul résultat possible, alors il est quasiment certain que c’est le bon.
Ainsi, on apprend que le 28 février 1734 est baptisée Marie Antoinette Victoire VEGLIO fille de Jean Honoré et de Louise CLERISSI. Bingo, le nom de la mère apparaît (fait assez rare pour que j’aie le droit de crier Bingo).
Ainsi ai-je mon sosa 1010 et mon sosa 1011 : Jean Honoré VEGLIO et Louise CLERISSI dont on trouve rapidement le mariage en 1731.
Celui-ci donne les prénoms des pères et donc mon sosa 2020 : Honoré VEGLIO.
On repasse par la procédure pour trouver un baptême ; ici celui d’un Jean Honoré VEGLIO né avant 1720, probablement après 1690, fils de Honoré. Pareil, un seul résultat exploitable : Jean Honoré VEGLIO, baptisé le 18/01/1711 à Nice Ste Réparate, fils de Honoré et de Françoise.
Nous allons voir maintenant comment trouver rapidement le nom de jeune fille de la mère, prénommée Françoise.
Nous retournons sur Geneabank. On sait qu’Honoré VEGLIO a épousé Françoise, probablement en 1711 ou avant (je prends toujours en compte l’année de naissance de l’enfant, on a parfois des surprises, surtout si l’enfant est né vers la fin de l’année) et que le mariage s’est probablement fait après 1680 :
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Une seule occurrence apparaît : le 27/09/1705 à Nice Ste Réparate, mariage entre Honoré VEGLIO, veuf d’Angélique DAUMASSA, et Françoise MARTINA fille de feu Jean Baptiste, tous de cette ville et paroisse (Ste Réparate, Nice). Comme il n’y a qu’une possibilité, c’est certainement la bonne !
C’est par cette méthode, en avançant petit à petit, en procédant parfois par élimination (trop jeune pour se marier, trop vieux, etc.) qu’on arrive à découvrir les filiations à Nice et dans l’arrière-pays-niçois qui fonctionnent, peu ou prou, de la même manière.
Les actes niçois sont avares d’informations. Rien sur la profession, aucun détail et c’est parfois un peu tristounet !
Je vais faire de mon mieux, dans les lignes qui suivent de faire une brève biographie de ce sosa 2020 : Honoré VEGLIO.
Honoré VEGLIO est né le 10/05/1670 et fut baptisé deux jours plus tard dans la paroisse principale de Nice, celle de la cathédrale Sainte-Réparate. J’ai réussi à remonter jusqu’à son arrière-grand-père paternel, Antoine VEGLIO, déjà décédé en 1632 et dont j’ai adoré le prénom du fils : Galeotto !
On ne saurait dire avec exactitude quelle était la profession des VEGLIO ; je les suppose cultivateurs comme la plupart de ces vieilles familles niçoises. Ils ne portent aucun titre « sieur » « maître » « nobile », excluant donc les métiers de la justice, du commerce un peu conséquent et probablement de l’artisanat aussi (« maître » l’indique souvent).
Ils ont beaucoup d’enfants ; Honoré VEGLIO a 9 frères et sœurs et lui-même s’est marié 3 fois !
Alors qu’il a 27 ans, il épouse Angélique DALMASSO qui lui a donné trois enfants avant de s’éteindre en 1704-1705. En 1705, alors qu’Honoré a 35 ans, il se remarie avec mon aïeule, Françoise MARTINO dont il a quatre enfants. Quatre garçons, même : Jean François, Albert, Jean Honoré (mon ancêtre) et Victor. Mais le 12/04/1714, alors qu’Angélique a 40 ans, elle meurt sans pouvoir voir grandir ses enfants.
Honoré VEGLIO n’attend pas. Son épouse est enterrée le 12 avril et le 28 avril il se remarie ! Il a 43 ans et épouse Catherine ICARD… de 18 ans sa cadette ! Avec elle, il aura 6 enfants dont la dernière, Marthe, est née en décembre 1724 alors que le père a 53 ans.
Avec ses trois femmes et ses treize enfants, Honoré VEGLIO a eu une vie bien remplie, à n’en pas douter. Je cherche encore à en apprendre plus sur lui. Les sépultures niçoises n’étant pas relevées par des associations ou particuliers, j’essaie de trouver le temps de farfouiller un peu pour étoffer ces données, mais à défaut d’actes en dehors des registres paroissiaux, très arides, il est difficile d’en savoir beaucoup plus.
Une occasion de se pointer aux archives départementales des Alpes-Maritimes ?

2 réflexions sur “Trouver ses ancêtres à Nice et dans l’arrière-pays”

  1. Voilà qui me donne envie de reprendre les recherches sur ma Marie Catherine Viano, fille de de Vian Mangepan. (J'adore ces patronymes fluctuants !). Elle est née en 1722 à Villefranche-sur-Mer. Elle a pu se marier là, avec Antoine Ricard, puisque leur fille Clara y est née.

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