Ces ancêtres qui ne veulent pas : Les Lombard

Lorsque l’on fait des recherches généalogiques, on trouve souvent un couple ou une personne un peu réfractaire, une personne qui ne veut pas être retrouvée et qui vous en fait voir des vertes et des pas mûres au point de vous demander si tout ceci est bien réel. Plusieurs exemples me viennent en tête dans mes recherches mais aujourd’hui, je vais vous présenter un cas : Les Lombard de la Tour d’Aigues.

Voulant pour ma mère remonter sur sa lignée agnatique, je me suis rendu à plusieurs reprises avec elle aux archives départementales de Vaucluse à Avignon. Ces archives qui étaient supposées être mises en ligne en décembre 2011 (vous avez jusqu’à samedi dernier les gars !) ont numérisé leurs registres de manière efficace. Précédemment, j’avais fait les recherches sur microfilms et avais réussi à remonter jusqu’à un certain Gaspard Lombard né en 1753, maître maçon, fils de Nicolas et de Jeanne Jullien. Alors que ma mère partait farfouiller les registres de notaires, ma mission était de récupérer certains actes paroissiaux et d’essayer de percer dans la lignée Lombard.

Avant d’entrer dans les détails de cette sombre affaire de cache-cache, parlons rapidement des Lombard. C’était une famille de modestes artisans de la Tour d’Aigues, petit village à l’extrême sud de Vaucluse. Ce patronyme, très courant, ne l’est pas du tout dans ce village puisqu’il n’y a qu’une seule famille et très peu de représentants de celle-ci ; j’en étais arrivé à la conclusion qu’il était fort probable que les Lombard eussent une autre origine. Mais un certain Salomon Lombard et son fils David sont référencés dans les archives communales de la Tour d’Aigues au XVIe siècle. Dans tous les cas, ils étaient toujours dans ce village en 1753 et je me suis décidé à retrouver le mariage de Nicolas Lombard et de Jeanne Jullien.

J’ai commencé naturellement par l’année 1753, même si le jeune Gaspard est né en mai ; en effet, on ne sait jamais, peut-être était-il prématuré ? (Expression très utilisée chez nous pour dire que la demoiselle est tombée enceinte avant le mariage)

Mais rien ; je remonte tranquillement dans les BMS et j’y trouve un grand-frère, Christophe, né le 25/7/1751 et décédé le jour même. Je continue ma recherche. Rien en 1750. En 1749, le 28 février, est née une grande-sœur Marie Magdeleine. Je me rapproche, me dis-je.

Que nenni !

Et là, après déjà plus d’une heure de recherche la tête collée contre l’ordinateur des archives après que ma mère a éclaboussé le hall en ouvrant une bouteille d’eau gazeuse qui n’a pas supporté le voyage en train, sans avoir fumé, sans même avoir un petit verre de vin pour me détendre, j’avance, page après page, jour après jour, mois après mois.

Mai 1747, un nouveau grand-frère est né, Jean François. Le mariage ne devrait plus tarder… Juillet 1745, décès d’un grand-frère, Nicolas Lombard dont je trouve l’acte de naissance en février 1744. Bon, je vais encore un peu avancer, même si fixer l’ordinateur non-stop en me concentrant sur l’écriture du prêtre me donne un peu la nausée et des vertiges. Je vais y arriver ! Je vais trouver ce mariage ! 1743, rien. Octobre 1742, naissance d’un autre grand frère, Augustin Lombard.

Je me lève de mon siège, prend ce qu’il reste de la bouteille d’eau, bois un peu et m’enfuis pour fumer une clope au bas du Palais des Papes avec la tête qui tourne. Bon, je me dis que tout de même, si c’est le cadet, il est fréquent que l’enfant soit né une dizaine d’années après le mariage et qu’après tout à chaque année terminée, je me rapprochais de cet acte de mariage.

Que nenni !

Je remonte, tranquillement, m’assois, respire un coup et reprends. 1740, naissance d’un autre grand-frère, Antoine. Mars 1739, naissance d’une grand-sœur Madeleine. Je commence à devenir fou, mon esprit vagabonde, mes yeux s’entrecroisent et je peine à lire. Un peu de motivation, et c’est reparti. 1738, rien ; 1737, septembre, décès d’une grande-sœur Marianne, âgée de deux ans. Je décide de sauter l’année 1736 et la moitié de l’année 1735 (oui, je sais, c’est pas bien).

Je redescends fumer, il est midi, j’y suis depuis des heures et les maux de tête sont incessants. Ca commence à bien faire et j’aperçois ma mère qui s’amuse comme une folle avec les archives notariales, trouvant des testaments, des contrats de mariages, des quittances, des créations de commerce tandis que de mon côté, j’ai des baptêmes, des sépultures et tous les mariages de la Création sauf celui que je cherche. Vous avez remarqué, c’est toujours comme ça. L’acte que vous voulez, vous ne le trouvez pas ;  des fois même, vous cherchez un acte pendant des jours, vous ne trouvez rien et le jour où vous cherchez un autre acte, vous trouvez le premier mais jamais celui pour lequel vous avez ouvert le registre. Sans oublier que vous pouvez être sûr que s’il y a une lacune entre le 20 et 22 décembre 1741 à Trifouillis-les-Oies, votre ancêtre est né le 21.

En somme, je ne trouve rien. J’entame donc l’année 1735 puis 1734. En février 1734, je trouve un autre grand-frère, Nicolas Lombard. 1733, rien non plus. J’ai lu dans la matinée vingt années de BMS et là, les maux de tête se transforment en nausée. Puis les années passent 1732… 1731, oh, un grand-frère, Antoine, décédé en février et âgé de deux ans. Je continue de remonter et trouver son acte de naissance en 1729. J’ai continué jusqu’en 1726… Sans résultat.

Je ne me souviens pas de l’heure ; mais il devait être 13h30 ou 14h00 et, pour ma santé mentale, j’ai laissé Nicolas Lombard et Jeanne Jullien gagner ce combat après avoir lu 28 années de BMS. Ainsi suis-je allé me consoler chez Me Rey, notaire à la résidence de la Tour d’Aigues.

Mais ce n’est que partie remise ; la prochaine fois je les aurai ces Lombard !

Forcément , on descend toujours du dernier!