Les frères Levey : Morts pour la France

Par la famille Prat, je cousine avec les Levey du côté de Silvérie Prat qui épousa en 1881 à Lorient un contremaître dessinateur dans la Marine, Charles Louis Levey. De ce côté de la famille, beaucoup de militaires ou d’hommes vivant de l’armée comme ce dessinateur ou le père de Silvérie, Joseph Bertrand Prat qui était maître cordonnier et fabriquait des chaussures pour l’arsenal de Lorient. Avec Charles Levey qui devint peu après maître dessinateur au Ministère de la Marine, elle eut deux enfants, deux garçons : Charles et Paul. C’est l’histoire de ces deux jeunes hommes que je vais tenter de conter.

L’arsenal de Lorient

Paul Joseph Victor Levey.

Né le 24 décembre 1884 à Lorient, ville maritime, 101 rue du port, fils d’un employé de la Marine, il ne pouvait qu’être destiné à être en mer. De sa jeunesse, nous ne savons rien mais il s’engagea durant la Première Guerre Mondiale comme maître mécanicien dans la marine et plus spécialement à bord des torpilleurs. En garnison à Cherbourg, il prit position dans le torpilleur 317 de la première flottille.

Un torpilleur

Le 26 décembre 1916 le sous-marin allemand UC1 appareilla de Zeebrugge pour remplir sa 58e mission. Pour l’oberleutnant Steckelberg, c’était la première, ce dernier entrant juste en poste dans l’appareil. Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1916 il mina, en mer, les environs de Calais. Sur les douze mines déposées, une toucha le torpilleur 317 causant la mort de l’équipage. On ne retrouva que trois hommes.

Cependant, l’UC1 connut son revers de fortune et disparut en mer aux alentours du 19 juillet 1917 avec l’obertleutnant Midenstein et tout l’équipage, probablement à cause d’un champ de mines déposé par les Alliés.

Ainsi donc décéda Paul Joseph Victor Levey le 28 décembre 1916. Il fut reconnu comme Mort pour la France le 5 avril 1917 par le tribunal de Cherbourg.

Charles Emmanuel Eugène Levey

Charles Levey, un cousin germain

Tout comme son cousin germain et son oncle, Charles Levey embrassa la carrière de militaire. Né le 27 avril 1883 à Lorient, il intégra, en 1904, la prestigieuse école de Saint-Cyr dans la promotion « Le Centenaire d’Austerlitz ». Il en sortit en 1906 et reçut plusieurs distinctions dont la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre avec Palme ou encore la Médaille commémorative agrafe « Maroc » d’après le memoriam de Saint-Cyr. Lors de la Première Guerre Mondiale, il prit place au sein du 9e bataillon de chasseurs à pied, 3e compagnie fit partie du Tableau d’Honneur de la Grande Guerre du journal l’Illustration. Il reçut la citation suivante : « S’est particulièrement distingué dans les combats livrés du 4 au 10 août 1914. »

Mais, le 22 août 1914 eut lieu une bataille qui fut terrible pour le bataillon : la bataille de Bellefontaine. Au lieu de vous faire un récit des événements, je vous laisse découvrir cette journée à travers un extrait du JMO :

« Le bataillon quitte son cantonnement de Thonne-le-Long à 4h30 et marche derrière le 18e bataillon de Chasseur à pied. En arrivant à la Hage à 10h30, la 6e compagnie est détachée en flanc-garde dans la direction du bois de Tintigny (carte belge 1/100000e), le reste du bataillon est en réserve.
11h15 : Les 5e et 1e compagnies se portent le long de la lisière du bois de Tintigny en échelon prêtes à appuyer le 18e bataillon de chasseurs à pied qui marche dans la direction de la cote 369.
13h : La 4e Compagnie organise la lisière Nord de La Hage, la 3e compagnie reste en réserve près de l’église.
14h : La 4e compagnie relevée à La Hage par des fractions du 147e reçoit l’ordre de se porter à l’appui du 120e qui attaque Bellefontaine ; cette compagnie sera engagée jusqu’à la nuit avec des alternatives diverses à Bellefontaine.
Les 5e et 1ère compagnies puis la 2e rejoignent le 18e bataillon de chasseurs et attaquent avec lui dans la direction de la cote 369, la 6e compagnie s’engage dans le bois de Tintigny avec des fractions d’infanterie ennemies.
14h30 : La 3e compagnie reçoit l’ordre de se porter par la lisière ouest du bois de Tintigny pour renforcer la ligne de feu, elle est appuyée par la section de mitrailleuses.
15h Tout le bataillon est engagé dans un très violent combat qui dure jusqu’à la nuit ; la 2e compagnie est obligée de charger à la baïonnette sur le plateau à l’est de la cote 369, les charges se renouvellent à plusieurs reprises malgré le feu violent de l’infanterie, de l’artillerie et des mitrailleuses ennemies.
16h : La 3e compagnie attaque à la baïonnette à travers bois des fractions ennemis qui tiennent la corne N.O du bois de Tintigy et parvient à les en déloger, mais le capitaine, les 2 lieutenants et l’adjudant de cette compagnie sont tous tués ou blessés ; malgré cela le bataillon se maintient sur les positions conquises quoique l’ennemi fasse de nombreux retours offensifs.
18h30 : Plusieurs compagnies du 147e viennent renforcer notre ligne.
19h : L’ennemi se retire. Le chef de bataillon rallie son bataillon la nuit tombante, à la lisière S.O au bois Tintigny où il s’installe au bivouac. »

Ce jour-là mourut Charles Levey, lieutenant, ainsi que son sous-lieutenant, Rolland. Son capitaine, Weulf, gravement blessé en décéda le 26. Tous les officiers du 9e bataillon sont donc morts lors de cette bataille. Notre cousin, Charles Levey, reçut la citation suivante : « Officier merveilleux de courage, de sang-froid et d’endurance, a fait preuve d’une valeur exceptionnelle. S’est fait tuer bravement à la tête de ses hommes le 22 août 1914. » Il fut reconnu officiellement comme Mort pour la France par acte du 11 novembre 1914 à Lorient.

Ce décès héroïque me rappelle un poème écrit par mon arrière-arrière-grand-père que je vous livre ici :

« Dans nos rêves nombreux, ô manoir solitaire,
Je ne puis contempler ton faîte centenaire,
Ni jeter un regard au sol que nous foulons,
Sans joindre quelques pleurs à mes songes arides,
En pensant qu’autrefois des Colombes timides
Ont vécu dans cette aire où vivent des aiglons.
Ah ! que va devenir l’antique sanctuaire
Où St Cyr renfermait un essaim solitaire
De vierges qui n’ont pu le quitter sans soupir ?
Ce qu’il va devenir ?… Un temple de la guerre
Un gymnase de Sparte, ardente pépinière
Où viennent des enfants pour apprendre à mourir. »

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